Côte d’Ivoire : journée électorale sous tension, violences et incertitudes autour du quatrième mandat d’Alassane Ouattara
La Côte d’Ivoire s’est rendue aux urnes ce samedi pour une élection présidentielle à haut risque, marquée par de vives tensions, des violences localisées et un climat politique profondément polarisé. Alors que le président sortant Alassane Dramane Ouattara brigue un quatrième mandat controversé, plusieurs bureaux de vote ont été attaqués et incendiés dans certaines régions du pays, compromettant le déroulement normal du scrutin.
Des violences éclatent dès les premières heures
Dès l’aube, dans les quartiers populaires d’Abidjan, à Yopougon et Abobo, des scènes de panique ont éclaté. Des groupes de jeunes opposés à la tenue du scrutin ont dressé des barricades, brûlé des pneus et affronté les forces de l’ordre.
Selon des sources locales concordantes, des incidents ont également été signalés à Daloa, Gagnoa, Bouaké et Man, où plusieurs bureaux de vote ont été saccagés et du matériel électoral détruit. L’armée ivoirienne a confirmé la vandalisation d’au moins trente bureaux de vote dans la région du Haut-Sassandra (centre-ouest).
Dans la matinée, les réseaux sociaux ont relayé des images de foules dispersées à coups de gaz lacrymogènes, tandis que d’autres vidéos montraient des groupes de jeunes scandant : « Non au 4e mandat ! »
Des témoins évoquent des arrestations massives dans les rangs des manifestants, notamment à Abidjan, mais aussi dans certaines localités du sud-est du pays. Aucun bilan officiel n’a encore été communiqué, mais plusieurs blessés sont déjà signalés.
Un scrutin contesté avant même son ouverture
Le climat de défiance entourant cette élection n’est pas nouveau. Depuis plusieurs semaines, les partis d’opposition, réunis autour du Front Populaire Ivoirien (FPI) de Laurent Gbagbo et du Parti Démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) d’Henri Konan Bédié, dénoncent une « dérive autoritaire » du pouvoir.
Leur principal grief : la candidature jugée anticonstitutionnelle d’Alassane Ouattara, 83 ans, élu pour la première fois en 2010, puis réélu en 2015 et 2020.
La Constitution ivoirienne limite à deux le nombre de mandats présidentiels, mais le chef de l’État estime que la réforme de 2016 a « remis les compteurs à zéro ».
Cette interprétation, rejetée par l’opposition et une partie de la société civile, a relancé le spectre d’une crise comparable à celle de 2020, où plus de 85 personnes avaient perdu la vie lors des troubles post-électoraux.
Une participation en berne
Des observateurs de la CEDEAO et de l’Union Africaine ont toutefois fait état de retards dans l’ouverture des bureaux de vote et de pressions locales sur les agents électoraux.
Un pays à la croisée des chemins
Pour beaucoup d’Ivoiriens, cette élection dépasse la simple question de la continuité politique : elle pose celle de la stabilité nationale.
Dans un contexte de ralentissement économique, de montée du chômage des jeunes et d’inquiétudes sécuritaires liées au Sahel, la Côte d’Ivoire risque de voir ses fragilités sociales s’exacerber.
« Nous voulons la paix, mais pas au prix de la démocratie », confie un jeune manifestant rencontré à Yopougon, la voix enrouée par les gaz lacrymogènes.
De son côté, le gouvernement assure que le scrutin se déroule « globalement dans le calme » et dénonce des « manœuvres d’intimidation orchestrées par l’opposition pour délégitimer le processus électoral ».
Le ministre de l’Intérieur a promis des enquêtes sur les violences et a réaffirmé que « toute tentative de perturbation du vote sera sanctionnée ».
Vers un lendemain incertain
Alors que la Commission Électorale Indépendante (CEI) promet de publier les premiers résultats partiels dès demain, la méfiance reste palpable.
L’opposition, qui conteste la légitimité du scrutin, menace déjà de ne pas reconnaître les résultats en cas de victoire d’Alassane Ouattara.
Les appels au dialogue et à la retenue se multiplient, y compris de la part de la communauté internationale.
La CEDEAO, l’Union Africaine et l’ONU exhortent les acteurs politiques à éviter toute escalade, rappelant que « la stabilité de la Côte d’Ivoire est essentielle à celle de toute la sous-région ».
Un vote décisif pour l’avenir
À 83 ans, Alassane Ouattara joue non seulement son avenir politique, mais aussi son héritage.
Après près de quinze ans au pouvoir, le président sortant se présente comme le garant de la stabilité et de la croissance économique, tandis que ses détracteurs voient en lui le symbole d’un pouvoir qui refuse l’alternance.
Quoi qu’il advienne, cette journée du 25 octobre 2025 restera marquée par la peur, la colère et l’incertitude — des émotions qui traduisent l’état d’une nation toujours en quête de réconciliation véritable.
Par : Guy L CHAFFA
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