“Passé honteux“ du Bénin : Tossou Missigbè du CBD répond à Patrice Talon

Allusion faite au “passé honteux“ évoqué par Patrice Talon, lors de son discours sur l’Etat de la Nation, le 20 décembre 2024 dernier au parlement, Tossou Missigbè, membre actif de la coalition Bénin débout, qualifie pour honteux, “l'égarement et l'errance sur des voies incertaines et périlleuses d'une dictature“, dans un entretien virtuel accordé à NEWS AFRIKA, lundi.
L’ENTRETIEN
NEWS AFRIKA : bonjour Monsieur, présentez-vous à nos lecteurs ?
Tossou Missigbè : je réponds à l'état civil au nom de TOSSOU Missigbè. Je suis béninois, de profession, je suis enseignant et consultant en TICE (Technologie de l'information et de la Communication en Éducation ), Expert formateur en conception de contenus numériques pédagogiques, opposant au régime actuel, membre fondateur de la Coalition Bénin debout en gestation de Sabi Sira Korogone, membre fondateur et actif du mouvement de la vague orange des jeudis.
Le président Patrice Talon a mené des réformes salutaires depuis 2016, que pensez-vous de ces réformes ?
Les réformes menées par le Président Patrice Talon sont-elles réellement salutaires ? À mon humble avis cela me semble très discutable. La gouvernance actuelle a escamoté tous les acquis démocratiques issus de la Conférence nationale de Février 1990 et a instauré une autocratie qui ne tolère aucune contestation ni critique ; aucune manifestation de mécontentement.
Des mesures d'exclusion de l'Opposition telles que le certificat de conformité, le code électoral... Les mesures d'exclusion sociale comme la loi sur l'embauche, la loi sur le numérique, la privatisation sauvage des secteurs clés de l'économie nationale, les licenciements abusifs sont multiples.
Au nombre de ces dispositions décriées, le plus marquant est la modification nuitamment de la Constitution de 1990 qui a pourtant permis à l'actuel chef d'Etat de revenir de son exil en France et de briguer la magistrature suprême...
Beaucoup disent qu'il a fait des réalisations louables et extraordinaires mais d'autres le critiquent. Selon-vous, qu'est ce qui explique les remous et les critiques contre sa gouvernance ?
Le régime actuel dit de la rupture est passé maître dans la répression à outrance et l'intimidation permanente du peuple qui l'a porté au pouvoir. Les ministres ont des salaires à couper le souffle tandis que la population n'arrive pas à s'offrir deux repas par jour. Les coûts des réalisations des infrastructures ne sont connus que du cercle du régime en place. Tous les potentiels hommes d'affaires pourvoyeurs d'emplois subissent le harcèlement fiscal au point de mettre la clé sous les paillassons. Seules les entreprises du chef de l'Etat et de sa clique prospèrent.
Pensez-vous qu'il n'y a pas de liberté de presse et de droits de l'homme au Bénin ?
Depuis l'avènement de ce régime, toutes les presses et médias sont obligées de se soumettre au régime pour ne pas disparaître. Le droit de manifester et la liberté d'expression sont supprimés.
Les arrestations tous azimuts, les interpellations pour la moindre critique du gouvernement, les emprisonnements par une justice aux ordres de l'exécutif sont tant de facteurs qui prouvent que le Bénin n'est plus la démocratie légendaire qu'il fut jadis. Tous ceux qui ont voulu être candidat à l'élection présidentielle dans ce pays ont été mis aux arrêts, ceux qui ont eu la chance sont en exil.
Nul ne peut aujourd'hui au Bénin donner son opinion sans être inquiété et c'est vraiment dommage.
Plus d'une centaine de compatriotes sont en prison pour avoir juste dit 5 ans c'est 5ans. Certains sont morts menottes aux poignets. Le groupe de travail de l'ONU a exigé la libération de Madougou et de AÏVO mais, les gouvernants du moment ne l'entendent pas de cette oreille.
Vous concernant, avez-vous eu des menaces et des inquiétudes ?
Suite aux élections législatives de 2019 suivie de tueries, la présidentielle de 2021 et la tricherie des législatives de 2023, un ensemble de mouvements politiques de l'opposition dont le mien avons mis sur place un creuset pour défendre nos droits et nous exprimer. C'est ainsi qu'est né la vague orange et la Coalition Bénin Debout.
Mais comme à l'accoutumée, le pouvoir en place a répondu par la répression.
Mon appartenance à ce creuset opposé au régime en place et mes accointances avec des leaders de l'opposition qui dénoncent les dérives du régime en place m'ont contraint à quitter le pays pour éviter une arrestation, tant les menaces et convocations étaient devenues fréquentes.
Le chef de l’Etat a parlé d’un passé honteux. Qu’en dites-vous ?
La Conférence nationale de février 1990 est-elle un passé honteux et qu'il faut sortir de son agenda ? La libération des détenus politiques, le retour des exilés politiques, la relecture du nouveau code électoral pour des élections générales apaisées, une assise nationale pour ensemble redéfinir notre vivre-ensemble... , voilà le sens des appels à la raison de la Conférence Episcopale, du Parti Les Démocrates, des confessions religieuses, des centrales syndicales, des OSC.... Est-ce cela ce qui est honteux ?
Non ce qui est honteux, c'est l'égarement et l'errance sur des voies incertaines et périlleuses d'une dictature qui n'a d'argument que de force. Je vous invite Monsieur le Président à décrisper l'atmosphère politique et sociale tendue car les interpellations, les arrestations de tous ordres, les enlèvements, les emprisonnements, la répression, les soja-culteurs, la privatisation de l'économie, l'intimidation permanente..... crient très fort qu'on ne vous entend pas. Mais à l'invite du Patriarche Tévoèdjrè, gardons à l'esprit que" ici c'est le Bénin".
Réalisation : Jaurès BOKO
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