Quand Dakar gronde et que les dirigeants tremblent
Il y a des meetings politiques qui ressemblent à des rendez-vous mondains, d’autres à des sorties d’école. Puis il y a ceux qui ont l’allure d’un contrôle de puissance, une sorte de test de résistance où chaque acteur brûle d’étaler son influence comme un paon en période de parade.
Samedi, Dakar s’apprête justement à accueillir ce genre de spectacle.
Ousmane Sonko, Premier ministre au cœur incandescent du duo exécutif, a décidé de sortir la grosse caisse. Pas la petite percussion discrète. Non. La grosse caisse, celle qu’on entend même au fond du littoral, là où les vagues font semblant d’écouter.
Le meeting annoncé est déjà plein, gonflé par une foule qui n’a pas seulement envie de regarder, mais de rappeler qu’elle existe, qu’elle vote, qu’elle respire et qu’elle n’a pas l’habitude de laisser quiconque lui marcher sur les orteils.
Dans cette ambiance, l’opposition, jusque-là en chantier, commence à retrouver des réflexes d’unité. Elle se faufile entre les interstices, un peu comme ces chats de quartier qui connaissent chaque raccourci et chaque mur friable. Et au sommet de l’Etat, certains trouvent le président Diomaye un peu trop prudent, trop silencieux, trop “mode avion”, pendant que Sonko joue le haut-parleur national.
Mais le vrai sujet n’est pas là.
Le cœur de l’histoire, c’est la leçon adressée, une fois encore, à une catégorie bien particulière de dirigeants du continent. Ceux qui gouvernent sans être vraiment choisis. Ceux que les urnes n’ont jamais beaucoup aimés. Ceux qui pensent qu’en intimidant les populations, on peut éteindre leurs rêves comme on souffle une bougie de gâteau d’anniversaire.
Ces dirigeants-là oublient souvent une vérité simple : un peuple intimidé n’est jamais un peuple dompté. Il courbe l’échine devant la peur, oui. Mais seulement pour mieux se redresser quand l’occasion se présente. La politique n’est pas un jeu d’ombres. C’est un jeu de mémoire. Et les peuples africains, qu’on cesse de les prendre pour des enfants, ont une mémoire longue, tenace, parfois rancunière, souvent lucide.
Le meeting de Dakar vient donc sonner comme une cloche : quand le pouvoir commence à flancher, ce n’est pas la taille des discours qui le maintient debout, mais la qualité de sa légitimité. Et quand un leader n’est pas aimé, il peut bien aligner les blindés, les matraques, les lois sorties de nulle part. Rien ne remplace l’adhésion. Pas même la peur.
Sonko a peut-être ses défauts, ses angles bruts, ses impatiences. Mais ses adversaires savent une chose : il nourrit une base qui croit en lui. Et dans un pays où l’électeur ne se laisse plus intimider si facilement, c’est déjà un capital énorme.
Dakar s’agite. Le pouvoir observe. L’opposition s’échauffe.
Mais la foule, elle, rappelle calmement la vérité éternelle de la politique africaine : ce ne sont jamais les dirigeants mal aimés qui font trembler le peuple. Ce sont toujours les peuples réveillés qui font trembler les dirigeants.
Oladélé
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