CAN 2025 : bras de fer entre les télévisions africaines et la CAF sur les droits de retransmission

À un mois du lancement opérationnel de la préparation médiatique de la Coupe d’Afrique des Nations (CAN 2025), une crise inédite secoue le paysage audiovisuel africain. Réunies à Lomé, plusieurs télévisions publiques et privées du continent ont formé un front commun pour dénoncer la nouvelle politique de commercialisation des droits TV imposée par la Confédération Africaine de Football (CAF) et par New World TV, détenteur exclusif des droits de retransmission.

Novembre 24, 2025 - 07:03
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CAN 2025 : bras de fer entre les télévisions africaines et la CAF sur les droits de retransmission

Dans une déclaration conjointe, les diffuseurs qualifient cette politique d’« inacceptable » et la jugent contraire aux principes d’équité, de service public et d’accessibilité qui ont toujours caractérisé la CAN.

Une offre jugée déséquilibrée

Le point central de la discorde porte sur la répartition des droits TV.

Sur les 52 matchs que comptera la CAN 2025, les chaînes nationales francophones ne se verraient accorder l’accès qu’à 32 ou 33 matchs — soit environ deux tiers de la compétition.

À l’inverse, selon les diffuseurs, :

  • certaines télévisions publiques anglophones et lusophones,
  • ainsi qu’un opérateur privé de télévision payante non africain,

auraient la possibilité d’acquérir l’intégralité des rencontres.

Pour des chaînes comme la RTS (Sénégal), la RTI (Côte d’Ivoire), la CRTV (Cameroun) ou l’ORTM (Mali), ce déséquilibre est « impossible à défendre » devant leurs autorités et leurs téléspectateurs, d’autant plus que ce sont précisément les États africains qui supportent le financement direct et indirect de la CAN : infrastructures, logistique, sécurité, participation des équipes nationales et même une partie des droits TV eux-mêmes.

La position des télévisions africaines

Les chaînes rassemblées affirment trois lignes principales :

1. Un modèle économiquement injustifiable

Elles estiment qu’on leur impose un système calqué sur la logique de la FIFA ou de l’UEFA, alors que le financement de la CAN repose largement sur les budgets publics africains.

Ce modèle serait, selon elles, incompatible avec la réalité économique et sociale du continent.

2. Une atteinte au principe d’égalité d’accès

Elles considèrent que limiter l’accès aux matchs revient à priver des millions d’Africains — notamment les plus modestes — du droit de suivre un événement qu’ils ont contribué à financer.

3. Un favoritisme implicite pour les opérateurs payants

Les chaînes dénoncent une stratégie qui semble « satisfaire prioritairement » un acteur dominé par l’offre payante dans l’espace francophone, au détriment des services publics de télévision.

La position de la CAF (officielle et implicite)

La CAF, pour l’heure, ne s’est pas exprimée publiquement en détail. Toutefois, les éléments connus permettent de résumer ainsi ses motivations stratégiques :

1. Maximiser les revenus droits TV

Depuis plusieurs éditions, la CAF cherche à diversifier ses sources de financement et à valoriser davantage ses compétitions.

2. Confier les droits à un opérateur unique

Le choix de New World TV répond à une stratégie de centralisation, censée garantir des revenus plus élevés et une gestion unifiée des images.

3. Encourager la transition vers des modèles hybrides (gratuit + payant)

Cette approche, expérimentée dans d’autres compétitions internationales, vise à rendre certains contenus premium accessibles uniquement par abonnement.

Les risques stratégiques d’une crise ouverte

1. Un risque d’impopularité majeure

Une CAN partiellement inaccessible sur les télévisions publiques serait perçue comme un renoncement du football africain à sa mission sociale, au profit d’intérêts commerciaux.

2. Une défiance accrue entre médias nationaux et la CAF

La rupture de confiance pourrait affecter les négociations futures, y compris pour les compétitions féminines, jeunesse ou interclubs.

3. Un risque politique pour les gouvernements

Dans plusieurs pays, la CAN est un moment d’unité nationale. Une couverture réduite pourrait provoquer une pression populaire sur les autorités, pointées comme incapables de défendre les intérêts du public.

4. Une fragmentation du marché audiovisuel africain

Si chaque groupe de pays négocie séparément, la CAF pourrait perdre l’équilibre entre rentabilité et cohésion continentale.

Scénarios possibles dans les semaines à venir

1. Recul partiel ou total de la CAF

La pression collective des médias francophones pourrait pousser la CAF à élargir l’accès aux 52 matchs, au moins pour les chaînes publiques.

2. Maintien du modèle mais avec compensations

La CAF pourrait conserver la structure des droits, mais offrir :

  • plus de matchs en clair,
  • des prix réduits,
  • une redistribution des contenus digitaux ou des magazines officiels.

3. Blocage complet : les chaînes refusent de diffuser

Hypothèse extrême mais mentionnée par certains acteurs : le front des télévisions pourrait boycotter la diffusion, exposant la CAF à un déficit de visibilité majeur dans les pays francophones.

4. Intervention politique à haut niveau

Plusieurs gouvernements pourraient saisir l’Union africaine ou les ministres des Sports pour peser sur la décision, compte tenu de l’impact social de la CAN.

Un point de bascule pour l’avenir des droits sportifs en Afrique

La crise actuelle dépasse la simple question technique de retransmission :

elle pose les bases d’un débat fondamental sur le rôle de la télévision publique, l’accès équitable aux biens culturels et l’identité continentale du football africain.

Les chaînes ont réaffirmé leur volonté de garantir une couverture « libre, populaire, pédagogique et patriotique ».

La CAF, de son côté, devra arbitrer entre rentabilité économique et mission sociale.

La balle est, désormais, dans son camp.

Oladélé

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