Nigeria : entre rumeurs de coup d’État et remaniement militaire, le pouvoir de Tinubu face à l’épreuve de la méfiance

Seize officiers supérieurs arrêtés, un remaniement militaire fulgurant, et des démentis officiels qui peinent à convaincre. Le Nigeria, première puissance d’Afrique de l’Ouest, fait face à une vague de rumeurs de coup d’État qui soulève de profondes interrogations sur la cohésion interne de son armée et la solidité du pouvoir civil.

Octobre 25, 2025 - 20:46
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Nigeria : entre rumeurs de coup d’État et remaniement militaire, le pouvoir de Tinubu face à l’épreuve de la méfiance

Des arrestations qui intriguent

L’affaire commence discrètement, début octobre 2025, par la diffusion d’informations sur l’arrestation de seize officiers de haut rang. Selon des médias nigérians et internationaux, ces hommes auraient été interpellés pour leur implication présumée dans un plan de déstabilisation du régime du président Bola Ahmed Tinubu.

Quelques jours plus tard, la présidence annonce un remaniement total de la hiérarchie militaire : les chefs de l’armée de terre, de l’air, de la marine et le chef d’état-major de la défense sont remplacés. Officiellement, il s’agit de « renforcer la sécurité nationale ».

Mais le timing interroge, et la coïncidence entre ces deux événements alimente la thèse d’un malaise profond au sein des forces armées.

Le gouvernement nie tout complot

Pour contenir la tempête médiatique, le Defence Headquarters (DHQ) — le haut commandement militaire nigérian — publie rapidement un communiqué :

« Les informations faisant état d’une tentative de coup d’État sont fausses et dangereusement spéculatives. Les officiers concernés font l’objet de procédures disciplinaires internes sans rapport avec un quelconque complot. »

Pourtant, sur le terrain, plusieurs témoins rapportent des mouvements inhabituels de troupes autour d’Abuja les jours précédant le remaniement. Une situation qui nourrit le soupçon d’une purge préventive menée par le pouvoir, soucieux de prévenir toute velléité de contestation.

Un climat social et militaire sous tension

Depuis son arrivée au pouvoir en 2023, Bola Tinubu navigue dans des eaux agitées.

Entre l’inflation galopante, les violences de groupes armés dans le Nord-Est, et la montée du mécontentement populaire, le Nigeria vit une période d’instabilité que même les structures sécuritaires peinent à maîtriser.

Pour de nombreux analystes, la multiplication des rumeurs de coup d’État traduit un malaise latent dans l’armée, minée par la politisation, les lenteurs administratives et le manque de reconnaissance.

Un chercheur du Centre for Strategic Studies of Lagos confie sous couvert d’anonymat :

« Tinubu ne fait pas face à un coup d’État imminent, mais il sent que la loyauté des officiers n’est plus aussi ferme qu’avant. Ce remaniement est autant un acte de prudence qu’un avertissement. »

Communication de crise ou panique d’État ?

Ce qui frappe dans cette affaire, c’est la dualité du discours officiel : d’un côté, on nie toute tentative de putsch ; de l’autre, on remanie l’ensemble de la hiérarchie militaire.

Une contradiction qui donne l’impression d’un pouvoir soucieux de contrôler la narration avant que les faits ne lui échappent.
Ce choix stratégique, typique des régimes fragilisés, vise sans doute à rassurer la population et les partenaires étrangers, tout en neutralisant les foyers potentiels de dissidence à l’intérieur de l’armée.

Le Nigeria, miroir du Sahel ?

Dans une sous-région secouée par une série de coups d’État — au Mali, au Burkina Faso, au Niger et en Guinée —, la situation au Nigeria rappelle combien la démocratie ouest-africaine demeure fragile.

Même les grandes puissances régionales ne sont pas à l’abri de secousses internes.

Les chancelleries occidentales, de Washington à Paris, ont exprimé leur soutien au gouvernement constitutionnel de Bola Tinubu tout en appelant à la transparence et au respect des droits des officiers arrêtés.

L’Union africaine, pour sa part, s’est montrée prudente, se contentant d’un appel à la « stabilité institutionnelle ».

Un avertissement pour la démocratie nigériane

Que la rumeur soit fondée ou non, elle révèle une vérité plus profonde : le doute s’est installé entre le pouvoir civil et l’armée.

Et dans un pays où les forces armées ont longtemps joué un rôle politique central, cette méfiance mutuelle constitue une menace silencieuse.

Ce qui se joue à Abuja n’est pas seulement une affaire militaire.

C’est la question de la confiance — cette matière invisible mais vitale — entre ceux qui gouvernent et ceux qui protègent la République.

✍️ Rédaction : Guy L CHAFFA

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