Union africaine : Définition d’une nouvelle carte conforme aux réalités
L’Union africaine (UA) entame une réflexion stratégique majeure en vue de l’actualisation de sa carte géopolitique et institutionnelle. Cette initiative, discutée en marge de la 44e session ordinaire du Conseil exécutif, vise à redéfinir les contours d’un continent en perpétuelle mutation, tant sur les plans politique, économique que démographique.

L’Union africaine (UA) entame une réflexion stratégique majeure en vue de l’actualisation de sa carte géopolitique et institutionnelle. Cette initiative, discutée en marge de la 44e session ordinaire du Conseil exécutif, vise à redéfinir les contours d’un continent en perpétuelle mutation, tant sur les plans politique, économique que démographique.
Par Édouard K. AÏKOUN
Créée en 2002 sur les bases de l’Organisation de l’Unité africaine (OUA), l’Union africaine a conservé une organisation géographique héritée des équilibres politiques de la fin du XXe siècle. L’Afrique y est divisée en cinq grandes régions — Nord, Ouest, Centre, Est et Sud — une structuration devenue de plus en plus contestée pour son manque de souplesse face à la complexité croissante du continent.
Après plus d'une vingtaine d'années, les réalités africaines ont profondément évolué : croissance démographique galopante, urbanisation accélérée, crises sécuritaires transversales, conflits climatiques, montée en puissance des diasporas et naissance d’entités nouvelles comme la ZLECAf (Zone de libre-échange continentale africaine). Tous ces éléments soulignent l’urgence d’une carte mieux alignée sur les dynamiques contemporaines.
Les raisons de l'actualisation
Selon le rapport préliminaire de la Commission politique, paix et sécurité de l’UA, « la carte actuelle ne reflète plus convenablement les flux économiques, les solidarités régionales et les enjeux transfrontaliers qui lient les États membres ». Des pays comme le Soudan du Sud, qui a accédé à l’indépendance en 2011, ou encore le Sahara occidental, dont le statut reste contesté, illustrent la complexité de cette géographie institutionnelle figée.
Par ailleurs, les groupements économiques régionaux (CER) — CEDEAO, SADC, EAC, CEEAC, COMESA, IGAD, UMA, etc. — ne correspondent pas toujours aux frontières régionales de l’UA. Par exemple, la République démocratique du Congo appartient à la fois à la CEEAC et à la SADC, mais est classée dans la région Afrique centrale. Cette superposition crée des chevauchements qui compliquent l’élaboration de politiques coordonnées.
Perspectives
L’actualisation de la carte de l’UA ne vise pas uniquement un redécoupage géographique. Il s’agit d’une réforme plus globale, incluant, une meilleure cohérence entre les CER et les régions politiques de l’Union ; une représentativité équilibrée au sein des organes de décision ; la reconnaissance du rôle stratégique des diasporas africaines ; l’intégration des réalités géo économiques contemporaines (nouvelles routes commerciales, bassins énergétiques, zones de conflits) et une cartographie plus fine des zones à risques (Sahel, région des Grands Lacs, corne de l’Afrique).
Un important projet
Le chantier reste hautement politique. Redessiner la carte, c’est aussi redistribuer les équilibres de pouvoir au sein des institutions panafricaines. Certains États craignent une dilution de leur poids diplomatique ou un affaiblissement de leur position dans les négociations continentales.
« Il ne s’agit pas d’effacer les frontières, ni d’unir les peuples par la force, mais d’adopter une vision fonctionnelle et solidaire de notre avenir », précise le diplomate ghanéen Kwame Mensah, membre du groupe de travail mis en place à cet effet.
En interne, les débats sont vifs : faut-il créer de nouvelles sous-régions ? Intégrer davantage les diasporas au sein des organes décisionnels ? Réaliser un découpage basé sur les bassins économiques plutôt que les héritages coloniaux ?
Un rapport complet est attendu en décembre 2025, à l’issue des consultations régionales, sous la supervision d’un panel de sages de l’UA. Un sommet extraordinaire est déjà annoncé pour mars 2026, à Kigali, avec pour objectif d’adopter une nouvelle carte continentale et un mécanisme de transition pour son application.
En parallèle, un programme pilote sera lancé dans trois régions volontaires (probablement Afrique de l’Est, Afrique de l’Ouest et Afrique australe) afin d’expérimenter des formes de coopération transfrontalière plus intégrées.
Cette actualisation pourrait constituer un tournant historique pour le panafricanisme contemporain, souvent critiqué pour son manque d’impact concret. En repensant ses fondations géopolitiques, l’Union africaine pourrait s’offrir une nouvelle chance de devenir un moteur d’intégration, d’innovation et de stabilité pour les générations futures.
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