Le Parfum de la Légalité : anatomie d’une invalidation préméditée du duo des démocrates

L’analyse met en lumière un processus électoral béninois désormais maîtrisé de bout en bout par le pouvoir depuis les réformes de 2019. Sous couvert de rationalisation, la loi électorale a instauré un verrou légal qui permet de contrôler l’accès à la compétition sans recourir à la fraude. Le parrainage, censé garantir la crédibilité des candidatures, s’est mué en instrument de contrôle politique, donnant à la majorité présidentielle un droit de veto sur toute candidature d’opposition. Dans ce contexte, l’affaire du député Michel Sodjinou apparaît comme le maillon visible d’un plan d’invalidation prémédité du duo des Démocrates. Son retrait, juridiquement fragile mais politiquement utile, offre au pouvoir un prétexte légal pour écarter la seule véritable force d’opposition, tout en préservant les apparences d’un État de droit. Ainsi, l’exclusion du duo des Démocrates n’est pas le fruit du hasard, mais le résultat logique d’un système électoral verrouillé où la loi devient un outil de neutralisation plutôt qu’un garant d’équité. Le véritable enjeu dépasse le cadre juridique : il interroge la vitalité même de la démocratie béninoise et renvoie à une question essentielle — que fera désormais le peuple, seul véritable détenteur du pouvoir souverain ?

Octobre 21, 2025 - 08:29
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Le Parfum de la Légalité : anatomie d’une invalidation préméditée du duo des démocrates
Renaud AGBODJO son colistier

L’analyse met en lumière un processus électoral béninois désormais maîtrisé de bout en bout par le pouvoir depuis les réformes de 2019. Sous couvert de rationalisation, la loi électorale a instauré un verrou légal qui permet de contrôler l’accès à la compétition sans recourir à la fraude. Le parrainage, censé garantir la crédibilité des candidatures, s’est mué en instrument de contrôle politique, donnant à la majorité présidentielle un droit de veto sur toute candidature d’opposition.

MON ANALYSE SUR LE PROCESSUS ELECTORAL ACTUELLEMENT EN COURS EST
QUE NOUS SOMMES EN FACE D’UNE INVALIDATION PRÉMÉDITÉE DU DUO DES
DÉMOCRATES


1. CONTEXTE GÉNÉRAL : UN PROCESSUS ÉLECTORAL MAÎTRISÉ DEPUIS 2019
Depuis la réforme du système partisan (2018–2019) et la révision du code électoral (loi
n°2024-13 du 15 mars 2024), le pouvoir béninois a construit un environnement électoral
juridiquement solide mais politiquement verrouillé.


Officiellement, ces réformes visent à « rationaliser » le système politique ; en pratique, elles
ont créé un filtre institutionnel quasi infranchissable pour l’opposition.
Les scrutins de 2019 (législatives sans opposition) et de 2021 (présidentielle à candidature
unique de fait) en ont déjà montré la logique : contrôler la compétition sans suspendre la
démocratie.


Ce schéma place le pouvoir dans une position de maîtrise absolue du tempo électoral,
des règles du jeu et du filtre d’accès aux candidatures.


2. LE PARRAINAGE : UN INSTRUMENT TECHNIQUE DE CONTRÔLE POLITIQUE


Le code électoral révisé impose que tout duo présidentiel soit parrainé par au moins 15 %
des députés ou maires — soit environ 28 parrains sur 258 élus.


Or, la majorité présidentielle (UP-RB et BR) détient plus de 90 % des élus à l’Assemblée
nationale et dans les communes.


Les Démocrates (LD), avec 28 députés exactement, ne disposent que du strict minimum,
sans marge de sécurité.


Ce dispositif confère donc au pouvoir un droit de veto implicite : le simple retrait ou refus
d’un parrain suffit à invalider toute candidature d’opposition.


Il s’agit d’un verrou légal parfaitement légal, mais politiquement dissuasif.


3. UNE ÉLIMINATION PRÉMÉDITÉE : QUELLE QUE SOIT LA CONDUITE DU PARTI
La situation actuelle ne résulte pas d’un accident politique, mais d’une mécanique anticipée
depuis plusieurs mois.


Même si Les Démocrates avaient déposé un dossier parfait, le système prévoyait toujours
une porte de sortie légale pour invalider leur duo.


a) Une intention structurelle


Le pouvoir n’a pas besoin de manipuler le scrutin pour le contrôler : il suffit de maîtriser
l’accès à la compétition.


Depuis la conception du code électoral de 2024, le seuil du parrainage a été calibré pour
rendre quasi impossible la candidature d’un parti minoritaire.


Ainsi, quelle que soit la stratégie de Boni Yayi ou du parti LD, le résultat final
(empêchement du duo) était pratiquement écrit d’avance.


b) Le cas Sodjinou comme pièce d’un dispositif


Le député Michel Sodjinou incarne aujourd’hui le maillon faible d’un plan déjà anticipé.
Son retrait, motivé officiellement par des raisons de procédure, s’inscrit dans une manœuvre
politique calculée : créer le « prétexte légal » pour invalider la candidature de LD.


Ses arguments sont, au regard du calendrier et du contenu des textes, faiblement fondés
juridiquement mais hautement utiles politiquement.


Dans les faits, Sodjinou agit comme un cheval de Troie : il offre à la majorité un motif
procédural pour éliminer LD tout en gardant les apparences d’un différend interne.
Même si tout ce qu’il avance était vrai, son acte soulève une question morale majeure :
Peut-on, pour des raisons personnelles ou d’ego, priver tout un peuple de représentation
politique ?


4. LE CHOIX DU DUO : UN CALCUL STRATÉGIQUE QUI A DÉJOUÉ CERTAINS PIÈGES


Contrairement aux critiques qui accusent le parti d’avoir tardé à désigner son duo, ce délai a
partiellement joué en sa faveur.


En effet :
* Si le duo avait été connu plus tôt, le pouvoir aurait eu le temps d’activer d’autres
leviers de neutralisation (campagne de déstabilisation, pressions ciblées sur les
parrains, procédures judiciaires préparées).
* En gardant le secret jusqu’à la dernière phase, LD a réduit la fenêtre d’action du
pouvoir.


Exemple :
si le choix avait porté sur Éric Houndété, figure plus prévisible pour le régime, le pouvoir
aurait immédiatement réactivé le dispositif d’auto-parrainage pour bloquer le processus
en arguant d’un conflit d’intérêt ou d’une non-conformité interne.
Le choix final, plus inattendu, a donc désorienté la stratégie de neutralisation, du moins
temporairement.


5. LE CAS SODJINOU : UNE FAUSSE QUESTION, UN VÉRITABLE SYMBOLE
L’acte du député Sodjinou, qu’il soit spontané ou inspiré, dépasse sa personne.
Même si ses motivations étaient sincères (ce qui reste à démontrer), le moment, la forme et
les effets de son geste montrent qu’il a été utilisé comme un instrument.


Le problème n’est donc pas son opinion personnelle, mais le moment politique de son
intervention :
* il intervient à la veille de la clôture des parrainages,
* il crée une faille juridique immédiatement exploitable,
* il fragilise l’unique parti d’opposition institutionnelle.
Un élu du peuple doit se souvenir qu’il détient son mandat du peuple, pas de son propre
égo.


En bloquant la participation de son parti à une élection présidentielle, il trahit l’espérance
démocratique de millions d’électeurs.


Et il prend le risque de provoquer une réaction populaire imprévisible, car lorsque la
population se sent dépossédée de sa voix, la légitimité institutionnelle ne suffit plus à
contenir la frustration sociale.


6. UNE STRATÉGIE D’INVALIDATION DOUCE, DÉJÀ EXPÉRIMENTÉE
Le scénario actuel reproduit une mécanique déjà observée :
* 2019 : exclusion des partis d’opposition pour non-conformité administrative.
* 2021 : invalidation technique de candidatures d’opposition pour parrainages
incomplets.
Ces précédents confirment que le pouvoir sait utiliser la légalité comme instrument de
domination politique.


C’est une stratégie d’invalidation douce :


aucune violence, aucune interdiction frontale, mais une exclusion procédurale, présentée
comme une simple application de la loi.


7. CONCLUSION : UN PROCESSUS SANS SUSPENSE


En définitive, l’invalidation du duo des Démocrates n’est pas un accident, mais
l’aboutissement logique d’un processus préparé en amont.


Le pouvoir :
* détient la clé du parrainage,
* maîtrise les leviers judiciaires et administratifs,
* contrôle le tempo médiatique et institutionnel.
Les Démocrates, même disciplinés, n’auraient pu échapper à ce scénario.
Le geste de Michel Sodjinou n’est qu’un symptôme d’un dispositif plus vaste : celui d’un
verrouillage légal du pluralisme, où la loi électorale devient un instrument de
neutralisation politique, et non un garant d’équité.


Message clé à retenir :
L’exclusion des Démocrates n’est pas la conséquence d’une erreur interne, mais la
preuve d’un système conçu pour éviter toute alternance imprévisible.
Le vrai débat n’est donc pas juridique, mais démocratique : comment un pays peut-il rester
fidèle à l’esprit de sa Constitution si la loi devient un outil de contrôle  politique ?
LA QUESTION QUE VA FAIRE LE PEUPLE SEUL DETENTEUR DU
VRAI POUVOIR ?

La Redaction

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