Présidentielle 2026 au Bénin : le film tragique de l’élimination du duo des Démocrates
Entre erreurs internes, calculs politiques et rigueur institutionnelle, retour sur une débâcle annoncée
 
                                    L’espoir aura été de courte durée pour le parti Les Démocrates. Annoncé comme le principal challenger de la mouvance présidentielle à la présidentielle de 2026, le parti dirigé par l’ancien président Thomas Boni Yayi a vu son duo candidat écarté de la course par la Commission électorale nationale autonome (CENA), puis par la Cour constitutionnelle.
Entre rivalités internes, erreur stratégique et exigences légales strictes, cette élimination retrace moins un simple incident qu’une faillite collective — politique, organisationnelle et morale. Retour sur le film de cette débâcle.
L’espoir d’une candidature historique
Le 11 septembre 2025, Boni Yayi, président du parti Les Démocrates, déclare lors d’une réunion de coordination :
« Le parti est prêt à gouverner et à proposer une alternative crédible. »
Cette déclaration lance officiellement la machine présidentielle des Démocrates. Quelques semaines plus tard, le 2 octobre 2025, le parti annonce la tenue du Conseil national pour la désignation du duo candidat, prévue le 11 octobre à Abomey-Calavi.
Pas moins de 34 dossiers sont enregistrés pour briguer l’investiture — une première depuis la création du parti. L’ambiance est électrique, les ambitions nombreuses, mais la direction promet une désignation « dans la transparence et la cohésion ».
Des tensions internes et la fragilité du consensus
À peine les tractations entamées, les fissures apparaissent.
Le 8 octobre 2025, le député Dakpè Sossou, proche de la mouvance présidentielle, lance un appel public à Boni Yayi
« Monsieur le président, épargnez au pays une confrontation inutile. Soutenez plutôt la candidature de Romuald Wadagni pour une victoire dès le premier
Une déclaration qui jette un trouble dans l’opinion et crée des soupçons de manœuvres politiques.
Malgré cela, le Conseil national du 12 octobre désigne un duo qui, selon des sources internes, « faisait consensus » au sein du bureau exécutif. Le parti se félicite alors d’avoir respecté ses textes et se prépare au dépôt de dossier auprès de la CENA.
Mais, en coulisses, une autre bataille se joue — celle des parrainages.
Le piège du parrainage et la chute du château
La loi électorale béninoise impose au moins 28 parrainages valides (députés ou maires) pour qu’un duo soit éligible. Les Démocrates annoncent fièrement en disposer.
Mais le 13 octobre 2025, coup de tonnerre : le député Michel Sodjinou, membre du parti, saisit le tribunal de Cotonou pour récupérer sa fiche de parrainage qu’il estime avoir été « retenue contre son gré ». Le tribunal lui donne raison et ordonne à la direction du parti de la lui restituer immédiatement.
Cette décision judiciaire, tombée à la veille de la clôture du dépôt des dossiers, fait basculer le sort du duo : le parti se retrouve avec seulement 27 parrainages valides, un de moins que le minimum exigé.
Un membre du comité de désignation confiera plus tard, sous couvert d’anonymat :
« Nous avions anticipé beaucoup de choses, sauf la trahison d’un de nos propres députés. »
Le rejet de la CENA et le recours désespéré
Le 23 octobre 2025, la CENA publie la liste provisoire des duos retenus. Le choc est immense : le duo des Démocrates n’y figure pas.
Motif : insuffisance de parrainages valides.
La réaction du parti ne se fait pas attendre. Dans un communiqué solennel, le président Boni Yayi dénonce une décision « injuste et politiquement orientée ».
Le lendemain, Les Démocrates déposent un recours auprès de la Cour constitutionnelle, espérant un revirement.
Mais le 27 octobre 2025, la Cour rend sa décision n° EP 25-007 : elle confirme le rejet de la CENA, au motif que le duo ne remplit pas les conditions légales.
La Cour précise :
« Le parrainage est un acte personnel et libre. La perte d’un parrain rend le dossier irrégulier, quelle qu’en soit la cause. »
Une interprétation stricte de la loi qui scelle le sort du principal parti d’opposition.
Les responsabilités partagées
Le parti Les Démocrates : négligence et improvisation
L’échec tient d’abord à des erreurs internes :
- Aucune marge de sécurité n’a été prévue : 28 parrainages tout juste, sans réserves.
- La direction n’a pas anticipé la contestation d’un de ses élus.
- Les délais juridiques ont été gérés dans la précipitation, laissant place à la vulnérabilité.
Un cadre du parti résumera amèrement :
« Nous avons perdu non pas à cause des autres, mais à cause de nous-mêmes. »
Le dispositif électoral : rigueur ou verrouillage politique ?
Pour la CENA et la Cour, la loi est claire : pas de 28 parrainages, pas de candidature.
Mais plusieurs observateurs dénoncent une instrumentalisation politique du dispositif. Certains élus de l’opposition affirment que des pressions ont été exercées pour dissuader les députés ou maires de parrainer le duo des Démocrates.
Un juriste proche du parti commente :
« Ce n’est pas la loi qui tue la démocratie, c’est la manière dont on s’en sert. »
L’opposition béninoise : l’éternelle désunion
Au-delà du cas Les Démocrates, cette débâcle illustre la désorganisation chronique de l’opposition béninoise.
Aucune alliance stratégique n’a été scellée pour mutualiser les parrainages ou anticiper les blocages.
Les ambitions personnelles ont primé sur la cause commune, laissant le champ libre à la mouvance présidentielle.
Une leçon politique et institutionnelle
L’élimination du duo des Démocrates restera un tournant dans l’histoire politique récente du Bénin.
Elle rappelle que dans un régime hyper-institutionnalisé, la moindre faille administrative peut devenir une arme politique.
Mais elle souligne aussi la nécessité, pour tout parti d’opposition, de bâtir une machine électorale disciplinée, prévoyante et soudée.
Comme le dirait un militant rencontré à Cotonou le lendemain du verdict :
« On ne peut pas affronter un système bien huilé avec un parti mal organisé. »
La débâcle du parti Les Démocrates à la présidentielle de 2026 n’est pas un simple accident de parcours.
Elle résulte d’un enchaînement d’erreurs internes, de calculs politiques externes et d’une rigueur institutionnelle qui, bien que légale, a eu des effets politiques dévastateurs.
Le parti paie le prix de sa fragilité organisationnelle, mais aussi celui d’un environnement où la compétition électorale reste, pour beaucoup, une épreuve de survie.
En définitive, l’histoire retiendra que le principal parti d’opposition a été éliminé non par la voix des urnes, mais par la logique du parrainage.
Un épisode amer pour la démocratie béninoise — et un avertissement pour ceux qui rêvent encore d’alternance.
Guy L CHAFFA
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