Bénin – Révision constitutionnelle : la lettre ouverte de Daniel Edah qui secoue le débat national
À quelques mois des élections présidentielles, une nouvelle tentative de révision de la Constitution ravive les tensions politiques au Bénin. Dans une lettre ouverte adressée au président Patrice Talon, l’ancien candidat à la présidentielle Daniel Edah sonne l’alerte et appelle à la responsabilité.
Un texte à la fois ferme et mesuré
Datée du 1er novembre 2025, la lettre ouverte de Daniel Edah s’inscrit dans un contexte politique électrique. Alors que plusieurs députés du principal parti d’opposition Les Démocrates ont récemment quitté leur formation, affaiblissant la minorité de blocage qui empêchait toute modification de la Loi fondamentale, un nouveau projet de révision constitutionnelle a été introduit à l’Assemblée nationale.
Face à ce qu’il qualifie de « fragilisation réussie mais peu honorable » de l’opposition, Daniel Edah s’adresse directement au chef de l’État : « Monsieur le Président, nul n’est dupe : ce projet de révision constitutionnelle est avant tout le vôtre ».
Le ton est posé mais sans équivoque. Dans une écriture fluide, d’un registre institutionnel empreint de gravité, l’homme politique exprime une profonde inquiétude quant aux motivations et aux conséquences d’une telle initiative, à quelques mois seulement de la fin de la législature.
Une interpellation sur la légitimité et le moment choisi
Le cœur de son argumentation repose sur la question du timing politique et de la légitimité morale.
Selon Edah, la mandature actuelle, en fin de parcours, « n’a plus la légitimité morale pour engager une telle réforme ». Il met également en garde contre le risque d’un précédent dangereux, qui ferait glisser le pays vers un « monolithisme politique » rappelant le Parti de la Révolution Populaire du Bénin (PRPB), abandonné par le peuple lors de l’avènement du renouveau démocratique.
Cette référence historique est lourde de sens. Elle traduit la crainte d’une fermeture de l’espace politique et d’une régression démocratique dans un pays longtemps cité comme modèle de stabilité institutionnelle en Afrique de l’Ouest.
Une critique des motivations politiques cachées
Daniel Edah ne se contente pas de dénoncer l’opportunisme du calendrier ; il met en cause la philosophie même du projet, qu’il perçoit comme une tentative de verrouiller le système politique et de garantir « des avantages à vie pour ceux à qui le pays a déjà tout donné ».
Pour lui, cette réforme vise moins à moderniser la Constitution qu’à « museler le peuple » et à « créer un refuge politique » pour certains acteurs du pouvoir.
Cette lecture rejoint les inquiétudes de plusieurs observateurs qui, depuis 2019, dénoncent une dérive institutionnelle et une restriction progressive du pluralisme politique au Bénin.
Un appel au bon sens et à la sagesse d’État
L’une des forces de cette lettre est sa portée républicaine. Daniel Edah, sans outrance ni excès, exhorte le président Talon à renoncer à cette « entreprise inopportune » ou, à défaut, à consulter le peuple par voie de référendum.
« Quelles que soient les intentions que recèle ce projet, vous ne pouvez faire le bonheur du peuple sans son consentement », écrit-il, avant d’ajouter :
« Si cette révision vous paraît indispensable et ne peut attendre, alors permettez au peuple souverain de se prononcer. »
Ce passage illustre une ligne claire : pas de confrontation, mais un appel à la transparence et à la responsabilité politique. L’auteur s’inscrit ici dans la tradition des lettres ouvertes qui cherchent à éveiller la conscience collective tout en respectant l’autorité institutionnelle.
Un avertissement contre les dérives autoritaires
La lettre se conclut sur un avertissement solennel : « Aucune violence d’État ne peut arrêter un peuple exaspéré, acculé et déterminé. »
Une phrase forte, presque prophétique, qui résonne comme une mise en garde. Edah souligne la montée des tensions sociales et l’exaspération populaire face aux difficultés économiques et à la fermeture du champ politique.
Pour lui, la sagesse consisterait à préserver la paix civile, à rouvrir le dialogue, et à éviter d’« empoisonner le mandat du successeur ».
Une posture d’opposant républicain
Plus qu’un pamphlet politique, la lettre d’Edah se veut un appel à la raison d’État.
Sa signature — « Porteur de la Vision d’un Bénin économiquement prospère et socialement stable dans une Afrique bien intégrée et en plein essor » — souligne sa volonté de s’inscrire dans un projet collectif dépassant les rivalités partisanes.
En refusant la posture d’un opposant systématique, il cherche à incarner un patriotisme de vigilance, une conscience démocratique qui alerte sans injurier. Cette nuance stylistique, rare dans le débat politique béninois actuel, confère à son texte une portée particulière.
Une lettre qui relance le débat sur la démocratie béninoise
Au-delà du fond, cette lettre réactive un débat essentiel : celui du rapport entre légalité et légitimité, entre pouvoir et consentement.
Alors que le Bénin s’apprête à vivre une nouvelle séquence électorale, la question se pose : la stabilité institutionnelle justifie-t-elle toutes les modifications constitutionnelles ?
La sortie de Daniel Edah rappelle que la Constitution n’est pas une variable d’ajustement politique, mais le socle du contrat républicain.
Une parole à suivre
En publiant ce texte à ce moment précis, Daniel Edah s’impose de nouveau comme l’une des voix politiques les plus mesurées et lucides du pays.
Dans un environnement marqué par la peur de la contradiction, sa lettre ouverte réaffirme la place du dialogue et du courage civique comme armes pacifiques de résistance démocratique.
Il appartient désormais au président Talon — et à la classe politique dans son ensemble — de répondre à cette interpellation avec l’élégance républicaine qu’elle appelle.
Oladélé
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