Bénin: le Bloc républicain, un démon en devenir

Tel un enfant indésirable, le Bloc républicain passe certainement dans l’arène politique béninoise, ses mauvais moments où, son frère, l’Union progressiste, l’autre parti majoritaire proche du régime en place, semble avoir des privilèges subséquents.

Par Anicet TIDJO

Le régime Talon en place, depuis 2016 au Bénin a enfanté plusieurs partis politiques et adopté d’autres. Ses héritiers légaux, l’Union progressiste et le Bloc républicain se font la part belle, depuis les législatives de 2019 pour laquelle, ils étaient les seuls en lice. Depuis lors, il a été établi un mécanisme d’adhésion individuelle ou de ces regroupements politiques rescapés du renouveau démocratique, soit à l’Up ou soit au Br pour se faire une considération géopolitique à l’ère du “Bénin Révélé“. À cette veille des législatives, le Br perd visiblement ses privilèges au détriment de l’Up. Cette nouvelle donne augure une rébellion en perspective.

Quand on sait que ces deux partis n’ont pas, par le passé, entretenu de la fraternité pour défendre leurs intérêts personnels, on se rend constamment à l’évidence qu’une inimitié absolue prend corps en leur sein pour dégénérer d’ici peu, si rien n’est fait. Bien que majoritaire, l’Up se réconforte avec ces derniers évènements dont, l’arrivée à la tête du parti de Joseph Djogbénou, le changement d’appellation à travers la fusion avec le PRD, la démission de l’UBDN du Br pour l’Upr, la démission de Jean-Michel Abimbola du Br pour l’Upr, le ralliement de nouveaux partis à l’Upr et la démission des députés républicains – Hilaire Adoun et Awaou Bassirou - pour l’Upr. Lesdits évènements sont évocateurs du calvaire que vont endosser les républicains, dès cet instant. Cependant, l’Upr quant à elle, va se confronter à l’impossibilité de satisfaire tout ce monde venu à lui. En conséquence, les positionnements pour les législatives présagent des frustrations en perspectives.

Br ou le destin en main

Abdoulaye Bio Tchané, le secrétaire national exécutif des républicains à presque bouclé une tournée nationale de remobilisation de ses troupes. Il doit désormais pouvoir compter sur ses militants fidèles pour défendre, lors des législatives à venir et des présidentielles de 2026, ce parti, voué à l’abandon par son mentor, le président Talon. Pour l’heure, la démarche de ABT reflète de la sérénité politique. Même dépouillé de ses députés, de ses ministres et de ses cadres, le Br a son mot à dire dans les prochains rendez-vous électoraux du pays. Si ce qui se passe n’est pas convenu entre Patrice Talon et Abdoulaye Bio Tchané, le Br doit voler de ses propres ailes pour atteindre ses résultats escomptés dans un futur si proche, une majorité à la neuvième législature, dès 2023 et la succession légitime de l’actuel chef de l’État, en 2026. C’est une prouesse réalisable étant donné que les combats politiques se gagnent sur le terrain et non pas par ralliement de certains leaders ou de micros partis. Ça, ABT en homme averti le sait et c'est pourquoi il s’est évertué à taire les polémiques relatives aux rumeurs de fusion et autres. Il est déjà sur le terrain et il fait désormais ce qui se fait en politique en matière d’élection, dans un pays démocratique. Vaincre par les urnes. C’est l’essentiel. Pour ce faire, le Br et son secrétaire national exécutif n’ont pas besoin d’un quelconque privilège, d’un coaching ou d’un mentorat. 

La fabrique du démon

Si le Br survit à cette tempête et sort sa tête de l’eau, il aurait déjoué les pronostics de tous ceux qui lui prédisent l’hécatombe et jouirait d’une sorte d’autonomie lui permettant, de se défaire de la tutelle d’un régime qui entre temps, n’avait pas misé sur lui. Le Br deviendrait logiquement cet enfant rebelle pour avoir volé de ses propres ailes. Et si le Br s’ouvre aux partis d’opposition sans l’assentiment de Patrice Talon ? Parlerait-on de trahison ? Et pourtant, c’est la politique qui est faite ainsi. Qu’on le veuille ou non, le Br est de nos jours, un parti fort au Bénin, le deuxième d’ailleurs. S’il lui faut remuer ciel et terre pour s’arroger le lead, il le ferait même avec des alliances contre nature. Et, ce n’est que question de temps. Car, les donnes changent à coup sûr juste après les législatives quand on sait que le président Talon ne sera plus candidat et qu’il perdrait de façon régressive, sa suprématie. Qui pouvait imaginer qu’après 2016, Paul Hounkpè tiendrait tête à Boni Yayi pour devenir l’homme fort des FCBE ? Les contextes et les cas peuvent ne pas être les mêmes, mais l’histoire pourrait se répéter, quelle que soit l’influence de “Agbonon“ qui aurait fabriqué pièce par pièce, son propre démon. Le Bloc républicain s’avèrerait pour le régime en place, une équation très difficile à résoudre en 2026. Car, volontairement ou involontairement, le cheminement vers l’opposition lui est tracé. Certes, il ne revient pas au Br d’aller vers les démocrates et/ou vers les FCBE… ce sont eux qui feraient le pas. Mais leur ensemble constituerait une opposition forte et non un parti renforcé de la mouvance.

En tout état de cause, le Br n’a même pas besoin d’une majorité au parlement pour faire mal. Le régime défunt de Yayi l’a bien élucidé en 2015 avec l’échec de Komi Koutché, candidat malheureux à la présidence de l’Assemblée nationale. De tous les schémas concrets, Talon gagnerait ce pari à imposer que deux grands partis, l’Up pour la mouvance et le Br pour l’opposition. Mais, le voudrait-il de cette manière risquée ?