Guéguerre Paris-Alger: Abdelmadjid Tebboune prévient une rupture définitive

Après six mois de tensions diplomatiques croissantes entre Paris et Alger, le président algérien Abdelmadjid Tebboune s’est exprimé dans un entretien accordé au journal français L’Opinion, publié le 2 février 2025, entretien dans lequel il aborde les causes de la crise actuelle et exprime son souhait de renouer le dialogue avec la France, tout en insistant sur la nécessité pour le président Emmanuel Macron de manifester clairement cette volonté.

Par Nephtali Aristide AZA

Le président Tebboune a déploré le « climat délétère » qui prévaut actuellement entre les deux nations, attribuant cette situation à des « déclarations hostiles » émanant quotidiennement de France. Il cite notamment des propos de personnalités politiques françaises, telles qu’Éric Ciotti et Jordan Bardella, qui ont récemment critiqué le régime algérien. Tebboune distingue cependant ces voix critiques de la majorité des Français, affirmant : « Personnellement, je distingue la majorité des Français de la minorité de ses forces rétrogrades. »

L’une des principales sources de la tension entre les deux Etats réside dans la position de la France sur le Sahara occidental. Fin juillet 2024, Paris a annoncé son soutien au plan d’autonomie marocaine pour ce territoire, une décision que Tebboune qualifie de « grave erreur ». L’Algérie, soutien historique du Front Polisario, considère cette reconnaissance comme une trahison de la part de la France. En conséquence, le dialogue politique entre les deux pays est « quasiment interrompu », selon le président algérien.

Cette décision française a également entraîné des mesures de rétorsion de la part de l’Algérie. En novembre 2024, des informations ont circulé sur l’imposition de sanctions commerciales à l’encontre de la France, bien que le gouvernement algérien ait fermement démenti ces allégations. Néanmoins, des instructions informelles auraient été données aux banques algériennes pour suspendre les domiciliations d’importations et d’exportations avec la France, reflétant la profondeur de la crise diplomatique.

Appel à la reprise du dialogue

Malgré ces différends entre la France et L’Algérie, le président algérien Tebboune ne ferme pas la porte à une réconciliation. Il se dit « totalement d’accord » avec le besoin d’apaisement évoqué par le chef de la diplomatie française, Jean-Noël Barrot, mais insiste pour que l’initiative vienne d’Emmanuel Macron. « Pour moi, la République française, c’est d’abord son président », déclare-t-il, ajoutant que « ce n’est pas à moi » de faire le premier pas. Il appelle également les intellectuels et les partisans de la relation franco-algérienne à faire entendre leurs voix pour favoriser un rapprochement.

Cependant, la France a exprimé sa propre frustration face à ce qu’elle perçoit comme une escalade de la part de l’Algérie. Le ministre français des Affaires étrangères a déclaré que Paris envisageait des « ripostes » si Alger « continue l’escalade », notamment après le refus de l’Algérie d’accepter le retour d’un influenceur algérien expulsé par la France.

Les expulsions de ressortissants algériens : un point de discorde

Un autre sujet épineux concerne les expulsions de ressortissants algériens en situation irrégulière. Alors que la France peine à obtenir des laissez-passer consulaires pour procéder aux expulsions, les États-Unis ont récemment annoncé leur intention d’expulser 306 Algériens par avion militaire. Tebboune a confirmé que l’Algérie accepterait ces retours, précisant que « le président américain n’a pas d’arrière-pensée liée à l’immigration algérienne ». Cette différence de traitement entre Paris et Washington souligne la complexité des relations franco-algériennes.

Vers une normalisation avec Israël ?

Sur le plan international, Tebboune a évoqué la possibilité d’une normalisation des relations avec Israël, une perspective qui serait envisageable « le jour même où il y aura un État palestinien ». Cette déclaration marque une ouverture conditionnelle, alignée sur la position de plusieurs pays arabes, tout en réaffirmant le soutien de l’Algérie à la cause palestinienne.

Les relations entre la France et l’Algérie ont toujours été marquées par des hauts et des bas, oscillant entre rapprochements et tensions. La récente crise, exacerbée par des divergences sur des dossiers sensibles comme le Sahara occidental et les questions migratoires, met en lumière la fragilité de ce lien historique. L’appel de Tebboune à un dialogue renouvelé offre une opportunité de désamorcer les tensions, mais la balle semble désormais être dans le camp de la France. La manière dont Paris répondra à cette main tendue déterminera l’avenir des relations entre les deux pays.