Nouvelle révision en vue : le Bénin face à ses vieux démons constitutionnels
Le Bloc Républicain et ses alliés déposent une nouvelle proposition de réforme de la Constitution, ravivant un débat récurrent depuis 2016.
Un dépôt discret mais hautement symbolique
Ce vendredi 31 octobre 2025, à l’ouverture de la deuxième session ordinaire du Parlement béninois, la majorité parlementaire a surpris plus d’un observateur.
Deux députés, respectivement présidents des groupes Bloc Républicain (BR) et Union Progressiste le Renouveau (UPR), ont déposé une nouvelle proposition de loi portant révision de la Constitution.
La lecture du texte par le premier secrétaire parlementaire a été brève, presque protocolaire. Mais le symbole est lourd : six ans après la dernière modification du texte fondamental, la question de la révision revient sur la table — une fois encore, dans un climat politique tendu et sur fond de recomposition parlementaire.
Le projet a été immédiatement transmis à la Commission des lois pour étude, sans qu’aucun détail ne filtre, pour l’heure, sur les articles ou les dispositions visées.
Un contexte explosif : démissions et calculs politiques
Cette initiative intervient alors que six députés du parti d’opposition Les Démocrates viennent d’annoncer leur démission collective du groupe parlementaire.
Un événement qui fragilise considérablement la principale force d’opposition et modifie les équilibres au sein de l’Assemblée.
Difficile, dès lors, de ne pas voir dans cette coïncidence un timing politique savamment calculé : en réduisant le poids numérique des Démocrates, la majorité renforce ses marges de manœuvre pour faire passer un texte exigeant une majorité qualifiée.
Les fantômes des révisions passées
Depuis l’arrivée de Patrice Talon au pouvoir en 2016, la Constitution béninoise de 1990 — jadis considérée comme l’une des plus stables du continent — n’a cessé d’être au cœur de débats passionnés.
- 2017 : première tentative de révision avortée, faute d’obtenir la majorité requise. Le texte proposait notamment la création d’une Cour des comptes et la limitation du mandat présidentiel à un seul renouvellement.
- 2019 : adoption d’une révision controversée, votée en une seule nuit sans référendum. Elle a introduit, entre autres, le parrainage des candidats à la présidentielle, le quota de 24 femmes à l’Assemblée, et un réaménagement du calendrier électoral.
- 2024 : une proposition portée par le député Assan Seïbou (BR) visait à inverser l’ordre des élections – présidentielle avant législatives – mais a été rejetée (71 voix pour, 35 contre, 2 abstentions).
Aujourd’hui, 2025, c’est donc la quatrième tentative de révision depuis 2016, dans un contexte où la légitimité institutionnelle est de plus en plus contestée et où la méfiance citoyenne reste profonde.
Entre réforme et soupçon : les interrogations demeurent
Sans connaître encore le contenu exact du texte, plusieurs hypothèses circulent :
- une harmonisation du calendrier électoral en vue des échéances de 2026 et 2027 ;
- une modification du régime électoral ou du parrainage présidentiel ;
- voire une restructuration du rôle du chef de l’État ou de certaines institutions.
Mais pour une partie de l’opinion, le simple mot “révision” sonne désormais comme une alerte.
Depuis 2019, beaucoup de Béninois redoutent que toute modification du texte fondamental cache un agenda politique caché : prolongation de mandat, verrouillage du jeu démocratique, ou préparation d’une transition contrôlée.
Une société civile sur le qui-vive
Les organisations de la société civile et plusieurs intellectuels se mobilisent déjà pour réclamer la publication intégrale du texte et une consultation nationale préalable.
Pour eux, “on ne réforme pas la Constitution dans le secret”, surtout dans un pays où les institutions électorales et judiciaires sont souvent perçues comme inféodées au pouvoir exécutif.
Certains appellent même à un moratoire sur toute révision constitutionnelle avant les élections générales, estimant que “l’urgence nationale” se trouve ailleurs : emploi des jeunes, crise énergétique, tensions sociales et coût de la vie.
Un tournant pour la démocratie béninoise
Avec ce nouveau dépôt, le Bénin entre dans une phase politique décisive.
La manière dont cette proposition sera examinée, débattue et votée constituera un test majeur pour la solidité démocratique du pays.
Car au-delà du texte lui-même, c’est la confiance du peuple dans ses institutions qui est en jeu.
“Réviser une Constitution n’est pas en soi un crime. Mais dans un contexte de défiance, chaque mot devient une arme”, confie un ancien député joint par téléphone.
un miroir des tensions d’un régime
La révision constitutionnelle, loin d’être un simple acte technique, est devenue au Bénin un baromètre du rapport entre pouvoir et démocratie.
Depuis 2016, chaque tentative raconte à sa manière la tension entre volonté de réforme et tentation du contrôle.
Cette fois encore, le pays retient son souffle.
Et si les mots “révision constitutionnelle” sonnent comme une rengaine, ils traduisent surtout un fait politique : le Bénin de 2025 n’a toujours pas fini de chercher son équilibre entre stabilité et liberté.
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