Politique tchadienne: le sort e Succès Masra scellé

Le procès de Succès Masra, une figure emblématique de la scène politique tchadienne, a cristallisé l’attention nationale et internationale. Pendant plusieurs semaines, l’ancien premier ministre a comparu devant le tribunal, accusé d’être lié à des manifestations ayant conduit à environ 40 morts, majoritairement des femmes et des enfants, dans la région du Logone Occidental. Selon l’accusation, ces violences ont été exacerbées par des messages haineux diffusés sur les réseaux sociaux, et un extrait audio attribué à Masra aurait incité à la violence. Le tribunal a considéré ces éléments comme suffisants pour justifier la condamnation de Masra pour incitation à la haine, complicité de meurtre et diffusion de messages à caractère haineux.
Nommé premier ministre en janvier 2024 après avoir été longtemps dans l’opposition, Succès Masra avait incarné une tentative de réconciliation entre les autorités de transition et une partie de l’opinion publique. Chef du parti Les Transformateurs, il s’était illustré par son discours critique vis-à-vis du régime militaire instauré après la mort du président Idriss Déby Itno en avril 2021. Sa nomination par le président de transition Mahamat Idriss Déby avait surpris de nombreux observateurs, certains y voyant une manœuvre politique destinée à calmer la contestation. Toutefois, cette cohabitation n’a duré que quelques mois. Dès la fin de l’année 2024, des tensions sont apparues entre Masra et le pouvoir, et en janvier 2025, il a quitté ses fonctions, dénonçant « l’absence de volonté réelle de réforme démocratique » et appelant à « un dialogue inclusif véritable ».
Les avocats de l’ancien Premier ministre ont plaidé l’innocence de leur client, dénonçant un procès politique destiné à réduire au silence une voix critique. « Monsieur Masra n’a jamais appelé à la violence. Il a seulement exercé son droit de critiquer le pouvoir et de manifester pacifiquement », a déclaré maître Nadji Dingamyo, l’un de ses avocats. En revanche, le procureur général a défendu la solidité des preuves, citant des vidéos, des enregistrements et des documents saisis au domicile de l’opposant.
À l’énoncé du verdict, samedi à N’Djamena, l’ancien Premier ministre est resté impassible, mais il a adressé un message à ses militants : « Je suis en prison et je vous retrouve très bientôt. Je ne suis pas loin de vous. Que Dieu vous guide dans la sagesse. » Cette déclaration a été lue au siège de son parti, surnommé le « Balcon de l’espoir », et a suscité des rassemblements de soutien, rapidement dispersés par les forces de l’ordre. Des affrontements ont éclaté dans certains quartiers de la capitale, entraînant des blessés et exacerbant les tensions.
La condamnation de Masra a provoqué des réactions vives au sein de l’opposition et sur le plan international. Les Transformateurs ont dénoncé « une parodie de justice » et appelé à la mobilisation populaire. Plusieurs ONG locales et internationales, dont Amnesty International et Human Rights Watch, ont exprimé leurs préoccupations, rappelant l’importance du respect des droits fondamentaux et du pluralisme politique. La condamnation a également ravivé les tensions diplomatiques avec certains pays occidentaux, inquiets de la direction politique du Tchad et de la répression de l’opposition.
Ainsi, la décision du tribunal de N’Djamena marque un tournant dans la vie politique tchadienne. Elle souligne les fragilités persistantes du système démocratique, les tensions entre pouvoir et opposition, et les conséquences tragiques pour la population civile, notamment les manifestations ayant causé une quarantaine de morts, majoritairement des femmes et des enfants. La communauté internationale continue de suivre la situation et appelle au respect des principes démocratiques pour assurer la stabilité et le développement du pays.
Aristde Nephtali AZA
Quelle est votre réaction ?






